4. Méditer comme l’océan

                                                                                                      Selon Jean-Yves Leloup, „Écrits sur l’hésychasme”

Le jeune homme s’approcha de la mer. Il avait acquis une bonne assise et une orientation droite. Il était en bonne posture. Que lui manquait-il ? Que pouvait lui enseigner le clapotis des vagues ? Le vent se leva. Le flux et le reflux de la mer se fit plus profond et cela réveilla en lui le souvenir de l’océan. Le vieux moine lui avait bien conseillé en effet de méditer ” comme l’océan ” et non comme la mer. Comment avait-il deviné que le jeune homme avait passé de longues heures au bord de l’Atlantique, la nuit surtout, et qu’il connaissait déjà l’art d’accorder son souffle à la grande respiration des vagues. J’inspire, j’expire . . ., puis, je suis inspiré par Dieu, je suis expiré par Dieu. Je me laisse porter par le souffle, comme on se laisse porter par les vagues . . .

Ainsi faisait-il la planche, emporté par le rythme des respirations océanes. Cela l’avait conduit parfois au bord d’évanouissements étranges. Mais la goutte d’eau qui autrefois ” s’évanouissait dans la mer ” gardait aujourd’hui sa forme, sa conscience. Etait-ce l’effet de sa posture ? de son enracinement dans la terre ? Il n’était plus emporté par le rythme approfondi de sa respiration. La goutte d’eau gardait son identité et pourtant elle savait ” être un ” avec l’océan. C’est ainsi que le jeune homme apprit que méditer, c’est respirer profondément, laisser être le flux et le reflux du souffle.

Il apprit également que s’il y avait des vagues en surface, le fond de l’océan demeurait tranquille. Les pensées vont et viennent, nous écument, mais le fond de l’être reste immobile. Méditer à partir des vagues que nous sommes pour perdre pied et prendre racine dans le fond immobile (l’Esprit Immortel) de l’océan.

Tout cela devenait chaque jour un peu plus vivant en lui, et il se rappelait les paroles d’un poète qui l’avaient marqué au temps de son adolescence : ” L’Existence est une mer sans cesse pleine de vagues. De cette mer les gens ordinaires ne perçoivent que les vagues. Vois comme des profondeurs de la mer d’innombrables vagues apparaissent à la surface, tandis que la mer reste cachée dans les vagues “.

Aujourd’hui la mer lui semblait moins ” cachée dans les vagues “, l’unicité de toutes choses lui semblait plus évidente, et cela n’abolissait pas le multiple. Il avait moins besoin d’opposer le fond et la forme, le visible et l’invisible. Tout cela constituait l’océan unique de la vie.

Dans le fond de son souffle n’y avait-il pas la Ruah ? le pneuma ? le grand souffle tout puissant de Dieu ? ”

Celui qui écoute attentivement sa respiration, lui dit alors le vieux moine Séraphin, n’est pas loin de Dieu.

” Ecoutes qui est là à la fin de ton expir. Qui est là à la source de ton inspir. Il y avait là en effet quelques secondes de silence plus profondes que le flux et le reflux des vagues, il y avait là quelque chose qui semblait porter l’océan . . . 

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