Venezuela : Interdiction d’un parti qui n’existe pas

Même Le Média s’y est laissé prendre… Dans le cadre de l’élection présidentielle anticipée qui s’est déroulée au début de l’année au Venezuela, la Cour Suprême de Justice (TSJ) « acquise à Maduro » aurait exclu « la principale coalition d’opposition » du scrutin… sauf que cette coalition n’existe pas ! Rendons justice à LeMediaTV pour sa volonté de rectifier rapidement. Les autres le feront-ils ?

 

Le président Maduro reçoit trois des quatre gouverneurs d’Acción Democratica (parti d’opposition) qui ont prêté serment devant l’Assemblée Nationale Constituante, le 24 octobre 2017.

Car comment ne pas comprendre le trouble de nombreux militants qui croient que le président du Venezuela a exclu l’opposition du scrutin ! S’il était vrai que Maduro interdit à ses adversaires de se présenter, on se trouverait évidemment face à l’intronisation d’un dictateur. Et on serait tenté, non sans raison, de « prendre ses distances ». Voire de comprendre ou de justifier les sanctions Etats-Uniennes/européennes, la guerre économique, les menaces d’invasion par Trump et les violences paramilitaires lors de l’insurrection de la droite en 2017…

Or c’est faux. L’opposition vénézuélienne a pu bien sûr participer aux élections présidentielles qui se sont tenues au cours du premier trimestre de 2018, et a pu présenter ses candidats comme dans toutes les élections précédentes. La Cour Suprême de Justice n’a exclu aucun parti mais une étiquette, celle de la coalition de droite appelée MUD (Mesa de Unidad Democratica). Cette sentence ne fait qu’appliquer la loi. Au Venezuela comme dans n’importe quel État de Droit, les inscriptions aux élections se font légalement par parti. La Constitution vénézuélienne n’autorise pas qu’un candidat soit affilié à deux partis politiques à la fois (double militantisme).

Par ailleurs un jugement de la Cour Suprême du 5 janvier 2016 et l’article 32 de la Loi sur les partis politiques interdisent qu’une coalition puisse présenter un candidat si un ou plusieurs de ses partis qui aurait boycotté les élections précédentes, ne s’est pas encore réinscrit auprès du Conseil national électoral (CNE). Les partis de droite qui ont boycotté le scrutin de décembre 2017 savent depuis cette époque qu’ils doivent se réinscrire auprès du CNE. Les partis qui ont participé à la dernière élection n’ont pas à se réinscrire et peuvent présenter leurs candidats sans refaire cette démarche.

Même si l’opposition avait reçu l’injonction de Washington de se retirer des négociations ouvertes en 2017 avec le gouvernement bolivarien et de boycotter les présidentielles pour renforcer l’image internationale d’une dictature, plusieurs de ses représentants se sont rassis lundi 29 janvier à la table de négociations. Un des observateurs internationaux de ces discussions, l’espagnol Rodriguez Zapatero, a critiqué les sanctions européennes parce que loin de contribuer au dialogue, elles renforcent les secteurs radicaux de l’opposition qui préfèrent une confrontation violente.

 

Élections municipales de décembre 2017

Le vrai problème de la droite vénézuélienne, qui va de l’extrême droite aux centristes libéraux, c’est que depuis 9 mois, elle ne parvient pas à se mettre d’accord sur sa stratégie électorale et à désigner un candidat unique. En s’engageant dans des violences lors des manifestations de 2017 (attentats à la bombe, incendies de maternités, assassinats de passants, lynchages racistes, etc…), elle a perdu un grand nombre d’électeurs des classes moyennes qui se tournent vers l’abstention. Du coup, le seul espoir de la droite vénézuélienne, c’est de présenter un candidat unique à la présidentielle afin que ces électeurs des classes moyennes se retrouvent sur lui.

 

Observateurs internationaux (dont l’espagnol Rodriguez Zapatero) aux négociations entre opposition et gouvernement, qui se poursuivent en janvier/février 2018.

L’opposition et les grands médias dénonçaient l’anticipation des présidentielles votée par l’Assemblée Nationale Constituante. Or… cette anticipation est une vieille revendication de l’opposition et des gouvernements occidentaux : « on veut des élections générales, tout de suite ! ». On mesure la mauvaise foi de ces secteurs qui au lieu de s’en féliciter, en tirent prétexte pour de nouvelles sanctions…

Ce scrutin présidentiel a été le 25ème en 19 ans de révolution. L’importante victoire du chavisme aux élections municipales du 10 décembre 2017 avait déjà confirmé – comme lors des votes de juillet et d’octobre – l’abîme entre l’image martelée par les médias d’une « dictature » et une démocratie qui bat des records en matière d’élections.

Lors du scrutin de décembre, le Conseil des Experts Electoraux d’Amérique Latine (CEELA a rappelé par la voix de son président, le juriste Nicanor Moscoso, que les partis de droite comme de gauche ont déclaré être satisfaits du déroulement des 9 audits préalables au vote : « Ce processus d’audit est inédit et unique dans la région. Il permet que toutes les étapes du processus, tout ce qui est programmé et tout ce qui fait partie du processus soit contrôlé par des techniciens et par les membres des différents partis politiques délégués devant le Centre National Électoral. (..) Le 11 décembre, au lendemain du scrutin, le CEELA a donné lecture de son rapport final : « Le processus de vérification citoyenne s’est déroulé en toute normalité et avec succès. On a pu constater que “ le nombre de bulletins de votes en papier introduits dans les urnes et le nombre de votes électroniques enregistrés par les machines, coïncident à 100%”. » C’est ce système double – vote électronique + vote papier pour vérification, qui a fait dire à l’observateur Jimmy Carter que de tous les systèmes électoraux qu’il a pu observer dans le monde, le vénézuélien est « le meilleur » (https://venezuelanalysis.com/news/7272).

Voici par ailleurs la réponse officielle du Venezuela bolivarien au président français Mr. Macron qui depuis le sommet de Davos a réclamé de « nouvelle sanctions contre le Venezuela pour ses dérives autoritaires » :

« Le Gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela rejette énergiquement les déclarations inacceptables émises le vendredi 26 janvier par le Président de la République Française, Emmanuel Macron, dans lesquelles il déconsidère le gouvernement démocratique du Venezuela et demande à intensifier les sanctions de l’Union Européenne contre le Peuple vénézuélien, ce qui constitue un geste inamical de la part du leader d’une Nation avec laquelle le Venezuela a cultivé des liens historiques et fraternels.

La République Bolivarienne du Venezuela observe avec préoccupation que l’Etat français en appelant au délit et à l’adoption de mesures contraires au Droit International, ne fragilise pas seulement le principe de la libre détermination des Peuples et à la non-intervention dans les affaires intérieures des états souverain mais abandonne son précepte de “ Liberté, Egalité, Fraternité ”, en prétendant se constituer en une copie fidèle du Gouvernement hégémonique des Etats-Unis qui, obstinément, cherche à faire sombrer le Peuple vénézuélien et attiser les conflits dans le pays.

Finalement, il est inacceptable pour la République Bolivarienne du Venezuela que le Président de la République Française prétende mettre en cause la légitimité, la pertinence et la transparence des Pouvoirs Publics et des institutions inscrites dans notre constitution. En ce sens, le Gouvernement Bolivarien exhorte le Gouvernement Français à poursuivre les liens bilatéraux par la voie d’un dialogue constructif et respectueux qui se traduisent par des relations mutuellement fructueuses, et éloignées des vieilles pratiques intimidatrices de la France colonialiste dépassée.

Caracas, le 27 janvier 2018 »

Les résultats des élections qui ont eu lieu le 20 mai

Nicolás Maduro remporte 67,8 % des voix contre 21,0 % à son principal adversaire, Henri Falcón, qui rejette le processus électoral, dénonce des irrégularités et réclame l’organisation d’un nouveau scrutin. Le taux de participation est de 46,1 % selon les résultats officiels. Une source du CNE a pour sa part affirmé qu’à la clôture des bureaux de vote, le taux de participation était de 32,3 %. Dans les deux cas, il s’agit du plus faible taux de participation de l’histoire du pays pour une élection présidentielle.

L’Union européenne, dénonçant « des obstacles majeurs à la participation des partis politiques de l’opposition et de leurs dirigeants », ainsi que « de nombreuses irrégularités signalées le jour du scrutin, y compris l’achat de votes », prévoit de nouvelles sanctions. Le 21 mai, le président américain Donald Trump impose de nouvelles sanctions économiques au pays.

Le 24 mai, Maduro prête serment pour un deuxième mandat devant l’Assemblée nationale constituante. Son mandat doit débuter le 10 janvier 2019. Pour l’analyste Luis Vicente León, « le président avance la prestation de serment car il ne veut pas laisser de vide d’ici janvier. Il a besoin de se donner une légitimité dans ce processus, même s’il s’agit de la légitimité chaviste ».

Le 1er juin 2018, Maduro ordonne la libération de 40 détenus, parmi lesquels Daniel Ceballos, ex-maire de San Cristobal, qui ne peut néanmoins plus utiliser les réseaux sociaux pour communiquer et a interdiction de quitter le pays. 40 autres sont libérés dans la foulée. Pour Luís Salamanca, « Maduro sait que sa réélection le place dans une situation quasiment sans retour dans le rôle d’un dirigeant autoritaire. Il cherche à combattre cette image et à apparaître comme bienveillant ».

yogaesoteric

16 juin 2018 

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