Antibiotiques : même une faible dose induit la résistance bactérienne

DP Vibrio cholerae, ici à l’image, à l’origine du choléra. Sans traitement, elle peut tuer en quelques jours. Et grâce à certains mécanismes, elle arrive à développer une résistance aux antibiotiques, même à faible dose.

 

Jeudi premier février 2018, un collectif de médecins s’exprimait dans Le Parisien pour alerter l’opinion publique sur le risque représenté par la surconsommation d’antibiotiques en France. Les bactéries font de la résistance, au point de devenir parfois multirésistantes, ce qui complique le traitement de nombreuses infections. En 2013, un article du CNRS montrait que même de faibles doses d’antibiotiques peuvent favoriser des résistances. Ces médicaments sont donc à employer avec la plus grande parcimonie.

Véritable impasse thérapeutique, l’émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques est un phénomène qui rend le succès du traitement des infections de plus en plus aléatoire. C’est particulièrement le cas en milieu hospitalier, où des bactéries multirésistantes sont impliquées dans les infections nosocomiales.

Que ce soit dans les eaux usées, ou encore chez les personnes suivant des traitements antibiotiques, ces milieux peuvent présenter une forte concentration bactérienne, avec de faibles quantités d’antibiotiques. Aujourd’hui, les effets physiologiques de ces faibles concentrations d’antibiotiques sur les bactéries et les évènements génétiques pouvant en découler sont assez mal connus. Cependant, les travaux de Didier Mazel et de Zeynep Baharoglu, respectivement chef et chercheuse au sein de l’unité Plasticité du génome bactérien (Institut Pasteur / CNRS) apportent un éclairage nouveau.

Ces chercheurs ont montré dans Plos Genetics que de faibles concentrations d’antibiotiques appartenant à la famille des aminoglycosides (utilisés dans le milieu hospitalier pour traiter de nombreuses infections) favorisent l’acquisition de gènes de résistance chez plusieurs bactéries pathogènes, telles que Vibrio cholerae (l’agent infectieux du choléra), ou encore Klebsiella pneumoniae (responsable d’infections respiratoires).

Quand la bactérie sous antibiotiques crie SOS

Les scientifiques expliquent ce phénomène grâce au mécanisme suivant : les concentrations d’antibiotiques, même 100 fois moins élevées que la concentration létale, déclenchent une réponse de stress chez la bactérie. Appelée « réponse SOS », elle intervient lorsque l’ADN bactérien se retrouve menacé, et favorise l’acquisition de gènes de résistance par deux voies. D’une part, elle entraîne une augmentation de la fréquence des mutations du génome bactérien. D’autre part, elle active une protéine nommée intégrase, dont le rôle est d’intégrer ou d’exciser du génome bactérien des séquences d’ADN souvent porteuses de gènes de résistance, les intégrons.

Par ailleurs, les chercheurs ont également compris pourquoi en présence d’aminoglycosides, la réponse SOS n’avait pas lieu chez la bactérie Escherichia coli, alors qu’elle est induite chez d’autres espèces pourtant très proches génétiquement. La clé du mystère réside dans la stabilisation de la protéine RpoS chez Escherichia coli, qui agit comme un régulateur du stress chez les bactéries. En présence d’aminoglycosides, les chercheurs ont observé que RpoS prévient le stress oxydatif engendré, lequel est à l’origine de l’induction de la réponse SOS chez les autres bactéries.

A la lumière de ces travaux, l’induction de la réponse SOS apparaît comme un vecteur essentiel à l’acquisition de nouvelles résistances bactériennes. En conséquence, les facteurs et les intermédiaires qui mènent au déclenchement de cette réponse constituent des cibles potentielles pour le développement de nouveaux traitements antibactériens. L’identification du facteur RpoS laisse également envisager le développement de possibles adjuvants aux antibiotiques, afin de limiter l’impact de leur effet à faible concentration.
 
 
 



yogaesoteric


18 avril 2018

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