Pourquoi la Norvège dit « nei » à l’Union européenne ?

Le 25 mai 2014, les Norvégiens sont restés bien au chaud pendant que leurs voisins suédois et finlandais se sont rendus aux urnes pour élire leurs députés européens. La raison est simple : la Norvège n’est pas membre de l’Union européenne.

 

Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Dès les années 1960, la Norvège toque à la porte de la Communauté économique européenne (CEE), tout comme le Danemark, l’Irlande et… le Royaume-Uni. Le général de Gaulle ne veut pas de Londres et le veto du président français entraîne le rejet des quatre candidatures groupées. En 1972, Oslo obtient finalement le feu vert pour rejoindre les autres membres de la Communauté. Mais cette fois, ce sont les Norvégiens qui disent non par référendum à 53 %. En 1994, rebelote. Les nonistes l’emportent avec 52 % des voix.

La menace des quotas de pêche de l’UE

Si les Norvégiens tournent le dos à Bruxelles, c’est d’abord par « peur de perdre leur indépendance acquise aux dépens des Suédois. C’était il y a à peine plus d’un siècle, en 1905 », explique Per Anders Madsen, journaliste au quotidien norvégien « Aftenposten ». Lors des campagnes de 1972 et de 1994, ce sentiment national s’est notamment exprimé pour défendre les pêcheurs norvégiens. Les défenseurs du non agitent les quotas de pêche européens comme une menace pour les marins locaux.

La Norvège n’est pas pour autant coupée de l’UE. En vertu d’un accord de coopération, elle est associée à l’espace Schengen et sur le plan économique, le pays fait partie du Marché intérieur européen. L’Europe est d’ailleurs à l’origine de 70 % de ses importations et de 80 % de ses exportations. Au coeur de ces échanges, une industrie du pétrole et du gaz qui font la fortune du pays depuis les années 1960. La Norvège produit un quart du gaz importé par l’Union européenne.

« Même pas un sujet de débat »

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s’est félicité de la relation entre le pays scandinave et l’Union des 28 en décembre 2013 : « Elle n’est pas bonne. Elle est excellente ! » Un satisfecit qui ne devrait pas pousser les Norvégiens dans les bras de Bruxelles. Si l’on en croit un sondage, 70 % des Norvégiens disent être contre toute adhésion à l’Union européenne.

Pour les Norvégiens, la crise économique actuelle montre qu’ils n’ont pas besoin de l’UE pour avoir la tête hors de l’eau. Pendant que les pays européens doivent jongler avec un taux de chômage de 10,6 %, Oslo affiche avec insolence ses 3,5 %. « L’entrée de la Norvège dans l’UE n’est même pas un sujet de débat en ce moment, constate Per Anders Madsen, et cela ne devrait pas changer dans les prochaines années. »

A première vue, la non-intégration de la Norvège dans l’Union Européenne est un mystère. Ses voisins scandinaves, que sont la Finlande et la Suède, y participent en effet depuis 1995. Dès lors, pour quelles raisons la Norvège choisit-elle de ne pas adhérer à l’UE ?

Tout d’abord, il faut savoir que la population norvégienne a désapprouvé son adhésion à l’UE à deux reprises par référendum, en 1972 à 53,5 % et 1994 à 52,4 %, alors que le gouvernement norvégien avait à chaque fois signé l’acte d’adhésion. En 1994, la ministre d’Etat Gro Harlem Bruntland avait pourtant mené activement campagne en faveur du oui à l’adhésion. Les raisons de ces échecs sont en réalité multiples. L’euroscepticisme est notamment visible chez les populations rurales, soucieuses de préserver des subventions que l’adhésion à l’UE éroderait. En effet, les agriculteurs norvégiens sont fortement subventionnés par l’Etat, système contraire aux règles de la PAC. Et les pêcheurs locaux, favorables au libre-échange et à leur libre gestion des ressources de la Mer du Nord ne souhaitent pas voir l’imposition de quotas de la part de l’Union Européenne. Les femmes craignent quant à elles une perte de droits égalitaires, la Norvège étant un pays phare en la matière.

Pays généreux en matière d’Aide Publique au Développement (APD), il est d’une importance capitale pour l’Union Européenne en termes d’approvisionnement énergétique, depuis que la Norvège a découvert des gisements pétroliers dans la Mer du Nord au tournant des années 1970. Pourtant, les Norvégiens ne souhaitent pas perdre le contrôle de leurs ressources. La tutelle bruxelloise apparaitrait comme trop envahissante pour un pays qui ne semble manquer de rien, comme en témoigne les rapports réguliers de l’ONU qui place la Norvège comme pays le plus développé au monde. Un nivellement par le bas du niveau de vie norvégien dans le cadre de l’UE est également craint par une part importante de la population.

Pourtant, la Norvège a tout pour intégrer l’Union Européenne : le pays possède en effet l’Indice de Développement Humain (IDH) le plus élevé du monde et une économie performante. En outre, il fait partie intégrante de l’Espace Schengen (que certains membres de l’UE, tels que le Royaume-Uni, refusent d’intégrer) et participe à l’Espace Economique Européen (EEE). Au final, il semble que la Norvège, à l’instar de la Grande-Bretagne mais dans une autre mesure, ait décidé de faire le choix d’une Europe à la carte. L’obsolescence de l’Accord Européen de Libre-Echange (AELE) l’a par exemple poussée à intégrer l’EEE. Mais peu à peu, l’Europe pourrait se tourner vers un voisinage différent : Maghreb, Russie, Balkans, Turquie… La Norvège risque d’être de plus en plus à l’ombre des préoccupations européennes d’autant que ses ressources énergétiques s’amenuisent, alors qu’elle a par exemple besoin de l’UE dans le cadre d’une politique sécuritaire européenne, notamment afin de garder la bienveillance américaine au sein de l’OTAN. D’où les débats récurrents qui agitent la vie politique norvégienne afin d’envisager de nouveaux pourparlers avec l’Europe ou non.
 

yogaesoteric

21 mars 2018

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