HAÏTI. L’ONU reconnaît être impliquée dans l’épidémie de choléra


Six ans après le début d’une épidémie qui a tué au moins 10.000 personnes et touché 800.000 autres, l’ONU a enfin admis qu’elle avait joué un rôle dans le déclenchement de cette crise humanitaire. Un revirement qui paraît bien tardif et insuffisant après plusieurs ans de déni.

Il aura donc fallu attendre plusieurs ans pour que les Nations Unies acceptent de reconnaître leur part de responsabilité dans l’épidémie de choléra qui sévit à Haïti. Le bureau du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a admis que l’organisation avait joué un rôle dans l’apparition de cette maladie.

Depuis le début de l’épidémie, les experts étaient presque tous unanimes : l’un des camps des gardiens de la paix était sans doute responsable de l’émergence du choléra. Un rapport que s’est procuré le « New York Times » va même plus loin, montrant qu’une fois cette épidémie déclarée, l’ONU n’a pas fait assez pour la contenir et l’éradiquer. Le revirement de l’organisation semble donc bien tardif…

« Un double standard »

Le rapport confidentiel, écrit par Philip Alston, un professeur de droit de l’université de New York qui était l’un des rapporteurs spéciaux de l’ONU sur le sujet, autrement dit un expert conseillant l’organisation sur les questions de droits de l’homme, est sans équivoque : l’épidémie « ne serait pas apparue sans les actions des Nations-Unies ».

En cause, une base abritant 454 gardiens de la paix de l’ONU, arrivés du Népal après le tremblement de terre de 2010. Une épidémie de choléra était justement en cours dans ce pays asiatique. Cette base a souvent rejeté des déchets dans la rivière voisine, non loin de l’endroit où les premiers cas de choléra, une maladie qui avait disparu de l’île depuis plusieurs années, ont été relevés. Pour de nombreux scientifiques, cela ne faisait aucun doute : cette base « népalaise » était la source de l’épidémie.

L’organisation avait pourtant persisté dans son déni et son refus d’admettre ses responsabilités. Le point de vue défendu était clair : les causes de cette épidémie étaient floues, et l’ONU tâchait désormais de la combattre. Mais ces arguments se sont tous deux avérés faux, tant et si bien qu’Alston dénonce dans son rapport un « double standard selon lequel l’ONU demande aux Etats membres de respecter les droits de l’homme tout en rejetant toute responsabilité pour elle-même ».

La négligence coupable des Nations Unies

Car l’ONU n’est pas seulement responsable de l’apparition de l’épidémie en 2010. Elle est aussi coupable, toujours selon Philip Alston, d’une certaine négligence dans les années qui suivent. Un autre rapport, bloqué pendant près d’un an par l’organisation avant d’être finalement diffusé, montre ainsi qu’un quart des sites occupés par les gardiens de la paix continuaient à rejeter leurs déchets dans des canaux publics jusqu’en 2014, quatre ans après le début de l’épidémie.

Dans son rapport, Alston condamne une politique onusienne « moralement déraisonnable, légalement indéfendable, et politiquement contre-productive. » Le professeur de droit est catégorique : le programme des Nations Unies visant à arrêter l’épidémie a échoué. 10.000 personnes en sont mortes, presque 800.000 ont été contaminées, et ces chiffres sont peut-être sous-évalués. Les fonds manquent, les infrastructures sont toujours archaïques… Loin d’assumer ses responsabilités, l’ONU semble les fuir.

Un tournant insuffisant après plusieurs ans de déni

La déclaration du porte-parole de Ban Ki-moon, Farhan Haq, marque donc un tournant après plusieurs années de déni et de procédures judiciaires où l’organisation plaidait l’immunité diplomatique. Mais si les Nations Unies reconnaissent par la voix de leur secrétaire général avoir joué un rôle dans le déclenchement de l’épidémie et qu’un « nombre significatif de nouvelles actions de l’ONU » doivent être entreprises, cela ne semble pas aller plus loin.

On est en effet loin du mea culpa : la responsabilité directe et claire de l’organisation n’est pas mentionnée, et rien n’indique qu’elle changera de position sur le plan légal, restant attachée à son immunité. Les demandes des familles des victimes, décédées ou malades, pourraient pourtant atteindre jusqu’à 40 milliards de dollars selon Philip Alston, qui a présenté officiellement son rapport à l’assemblée générale.

L’ONU, de son côté, s’est donnée plusieurs mois pour élaborer et présenter un programme de lutte contre l’épidémie.

 

yogaesoteric
25 juin 2018

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