8. Volonté et spontanéité en Tantra Yoga

un article de Gregorian Bivolaru

Bien sûr, nous devons nous mettre d’accord sur le fait que nous ne pouvons rien atteindre en exerçant la volonté de manière égoïste; dès que nous voulons quelque chose de cette façon, les portes se referment. C’est la raison pour laquelle les voies en prépondérance ascétiques, les mortifications, le yoga volontariste, les ultimatums des dogmes incontestables des traditions religieuses et moralistes, ainsi que la pratique systématique des vertus standardisées et codées, ressemblent plutôt à une sorte de mystification culpabilisante qu’à une voie qui mène à la libération spirituelle. Elles ont à la base le désir égoïste, la volonté égoïste et l’espoir égoïste de l’obtention d’un fruit ou d’un profit et alors toutes ces aspects ne sont que des manifestations évidentes de l’ego (QUI APPARAISSENT COMME ÉTANT AINSI SEULEMENT POUR CELUI QUI EST LUCIDE ET DETACHÉ).

Pour agir vraiment spontanément, sans aucun acte égoïste de volonté, il faut nécessairement utiliser un subterfuge. Nous pouvons le nommer « truc » ou « jeu ». Car il existe toujours quelque chose de ludique dans cette attitude qui ressemble au LILA (le jeu divin, cosmique) dont on parlait auparavant, le grand jeu divin, cosmique, du déploiement et du repli. Le seul impératif reste alors la vigilance, l’attention permanente, mais non pas une attention orientée vers quelque chose de particulier : d’abord il faut être suffisamment vigilants durant l’état de veille, ensuite, peu à peu, durant l’état de rêve et ensuite durant l’état de sommeil profond, pour éloigner finalement, pour toujours, l’inattention et l’inconscience de notre être. Dans ce sens il est nécessaire d’avoir une attention dépourvue de toute angoisse et d’émotivité (par conséquent, c’est l’émotivité qui doit disparaître, et non pas l’émotion). Donc celle-ci serait une attention sans objet précis et qui n’attend pas de résultat particulier ; elle est alors une sorte de suspension capable de créer un certain état supérieur de disponibilité. Il faut apprendre à devenir de profonds observateurs non critiques, à percevoir simultanément le déroulement des actions comme si nous étions dissociés d’elle, en gardant inaltéré le pouvoir de les diriger de façon impeccable, grâce aux sens orientés vers l’intérieur et, d’une certaine manière, déconnectés du mental. 

Lorsque ce genre de recul devient pour nous une habitude, ou même un automatisme, nous pouvons dire en effet que nous “entreprenons” quelque chose sans perdre l’attitude de témoin. Seulement alors nous commençons à sentir concrètement le monde qui bouge hors de nous et notre conscience statique ne sera plus contrariée, le résultat étant que les deux ne s’opposeront plus l’un à l’autre. Alors on peut “agir” comme si on n’agissait pas et on peut parler d’un effort sans effort ou d’une ardeur détachée qui pour les autres peut sembler une extraordinaire nonchalance. L’effervescence se maintient alors spontanément, les choses continuent à venir et à partir; nous sommes simultanément à l’intérieur et à l’extérieur. Bientôt nous ne sentirons qu’il n’existe plus d’intérieur et d’extérieur ; tout est quelque chose de continu, sans aucun hiatus.

Le sens de la possessivité disparaît, de même que celui de l’affirmation de soi, de la culpabilité, de l’amour personnel. Nous ne posons plus de question, nous ne suivons plus des justifications, et le bavardage du mental s’interromp. Les sens fonctionnent maintenant librement, et la vie continue avec ses beautés et ses horreurs, mais elle n’est plus du tout la mer tumultueuse ; qui agite à la surface ; notre barque fragile, au risque de la précipiter contre les récifs de l’extérieur. Nous pourrons dire que nous avons parfaitement intégré en nous-mêmes cette mer qui dorénavant ne peut plus nous faire couler parce que nous sommes un avec elle.

La pensée tantrique insiste souvent sur la non réalisation des actes et sur l’idée de non-réalisation de la réalisation, expliquant que l’expérience d’une action à travers l’idée de non-réalisation est une réalité divine concrète et extrêmement surprenante. La non-action ainsi comprise n’est ni la négation, ni le contraire de l’action, ni une parodie, ni l’éloge insidieux de la paresse. La non-action se caractérise par une transformation complète de l’habitude qui, une fois devenue consciente, conduit instantanément à la continuité du présent, autrement dit à l’a-temporel.

En poursuivant la compréhension de cet aspect certains peuvent se demander: est-ce que la non-action est une non-identification avec tout ce qui fait partie de la réalité existentielle, une sorte de position témoin ? Et cette attitude de témoin est-elle la position ultime accessible à l’homme dans la recherche de son Soi ?

La pensée tantrique fait une distinction claire entre la  “la non-réalisation de la réalisation” et la “non-réalisation de l’acte”. Pour certains, cette formulation peut ne pas leur sembler la plus inspirée. La non-réalisation doit être comprise comme un état d’être; elle est donc impraticable, car le recourt à tout exercice la dévalorise et même l’annule. L’état de non-réalisation signifie en fait l’ancrage dans un temps aboli, dans le présent continu sans aucune référence au passé ou au futur. Ce qui ne signifie pas du tout que les actes ne continuent pas de se dérouler, mais en offrant de manière inconditionnée les FRUITS à DIEU, ils ne génèrent plus du tout de conséquence personnelle dans le futur. Ils s’inscrivent alors dans l’ordre divin cosmique et n’entraînent plus jamais les effets qui d’habitude alimentent et ensuite conditionnent la vie psycho-mentale de l’homme, en tissant ainsi et en enchaînant son futur. Ils n’ont plus qu’une seule fonction: maintenir le monde. Ils n’apportent plus de fruit, parce que les fruits sont offerts à DIEU et pour cette raison ils sont impeccables.

Étant donné que pour la plupart des gens “ne pas faire” reste inaccessible dans la sphère de la compréhension et de la pratique, nous utiliserons à nouveau un subterfuge: nous pratiquerons avec anticipation, en nous exerçant systématiquement dans la non-réalisation des actes. Car toutes les actions particulières possèdent leur non-réalisation et, plus elles sont nombreuses, plus elles contiennent une plus grande variété de non-réalisation. Pour illustrer cela, l’enseignement tantrique offre de nombreux exemples d’activités qui, pratiquées à contre courant, peuvent nous orienter rapidement vers un état permanent de non-réalisation. Tout ceci nous offre en fait une façon de nous mettre toujours dans un état extraordinaire de disponibilité. Rien d’autre.

Cette position idéale ainsi que celle de témoin, dont on parlait antérieurement, se ressemblent beaucoup. En fait, sous diverses formes et images, la pensée tantrique se réfère souvent à la même chose.

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